Lettre à moi-même : dentsu et Santé publique France veulent vous faire voir les séropositifs différemment.

von Maud Largeaud , AdForum


  • Quel était le brief ? Quels sont les objectifs de la campagne ?

Le brief partait d’un constat plutôt simple : les personnes atteintes du VIH représentent en France 180 000 personnes et malheureusement l’épidémie de Covid n’a pas fait disparaitre celle du VIH. Ces personnes luttent encore entre invisibilité et discriminations dans leur vie quotidienne mais aussi dans leur vie sentimentale.

Nous devions répondre à un premier enjeu : celui d’éveiller les consciences sur le fait que les traitements ont évolué et en faire la pédagogie. Il s’agissait surtout de faire connaitre et comprendre à tous l’utilité du TasP (treatment as prevention) qui permet à une personne séropositive de ne pas transmettre le virus.
Le deuxième objectif, et celui qui est devenu notre point de départ créatif, s’apparente surtout un enjeu de représentation. Nous avions à cœur d’améliorer la perception et l’image de soi des personnes vivant avec le VIH tout en combattant les discriminations en tout genre.

 

  • Vous avez réussi à rendre cette campagne touchante "sans tomber dans le pathos" ? Quels écueils avez-vous du éviter ?

Il était nécessaire d’arriver avec une campagne qui démonte les clichés ambiants.
Il y avait un double écueil à éviter : ne pas réduire les personnes séropositives aux études sur les pratiques à risques qui viendrait dépersonnaliser et stigmatiser : « Vous faites partie de « ce pourcentage » de la population ». Et à l’inverse, nous devions aussi nous détourner du côté larmoyant et dramatique fortement porté par la culture audiovisuelle. Les traitements ont évolué depuis les années 80/90 mais les films racontant le VIH dépeignent majoritairement ces années-là, au moment le plus meurtrier de l’épidémie.
Une seule solution : prendre le contrepied et valoriser le TasP qui permet non seulement d’avoir des rapports non protégés ou des enfants car le virus est indétectable mais surtout de vivre aussi longtemps et aussi pleinement sa vie qu’un séronégatif.
Dans l’exécution, nous avons fait le parti-pris de sortir tant du moment de contamination que celui de l’annonce du diagnostic, sortir de la chambre ou de l’hôpital pour dire qu’une personne séropositive ne peut se résumer au VIH. Cette campagne est une invitation à voir une personnalité, une carrière, une famille, des amis, des amants, des émotions derrière le virus. Ce sont ces histoires authentiques, ces moments de vie qui nous ont passionnés et qui sont venus éclairer le message d’espoir que nous voulions porter.

 

  • Comment s'est déroulé le choix des témoins et comment partagent-ils leurs histoires ?

Pour montrer que les traitements, contrairement aux idées reçues, permettent depuis plusieurs années aux personnes séropositives de vivre pleinement et en bonne santé, nous devions trouver des témoins qui vivent avec le VIH depuis longtemps. Nous avons donc lancé un appel à témoignages auprès d’associations et contacté des personnes qui ont l’habitude de témoigner. C’est comme ça que nous avons eu Nicolas Aragona, séropositif depuis 11 ans. Il est très actif sur les réseaux sociaux (notamment sur Tik Tok avec son compte @supersero). Il a relayé l’appel à témoignages et plusieurs personnes nous ont contacté dont Christine Aubère (séropositive depuis 31 ans) et Andréa Mestre (depuis 7 ans). Nous leur avons proposé à tous d’écrire une lettre à eux-mêmes et de se l’adresser le jour où ils ont appris leur séropositivité. Plus touchantes les unes que les autres, nous les avons présentées à Santé Publique France qui a retenu celles de Nicolas, Christine et Andréa qui, malgré leurs différences d’âge, de parcours, vivent aujourd’hui pleinement leur vie.

 

  • Comment s'est fait la réalisation et qu'a t-elle apportée à l'idée originale ?

Nous avions une idée précise en tête : inviter les témoins à lire leur lettre face à eux-mêmes plus jeunes, à l’âge où ils ont appris leur séropositivité. Et ça pour vraiment avoir visuellement cet effet de « je m’adresse à moi-même ce jour-là ». Nous avons pensé a plusieurs solutions dont celle de d-Id présente sur le site DeepNostalgia, qui permet de redonner vie à des photos du passé tout en restant « discrète ». Grâce à cette intelligence artificielle, la personne sur la photo cligne juste des yeux, bouge légèrement la tête et donne ainsi l’impression d’être attentive, d’écouter ce qu’on lui dit. Nous avons contacter plusieurs productions dont Henry.tv et le réalisateur Thibaut Buccellato. Avec eux, nous avons donner plus de force à cette idée en recréant une chambre du passé, en mettant des photos des témoins dans la déco et en projetant des souvenirs d’eux sur les murs pendant la lecture. Toutes ces photos, nous les avons récupérées auprès des proches pour plus d’émotions le jour J. D’ailleurs, les témoins n’étaient pas non plus au courant que leurs proches seraient là à la fin. Mais nous trouvions important de les avoir pour ajouter une preuve ultime - s’il en fallait une - que la vie continue.

 

  • Comment la campagne va t-elle être diffusée ?

Pour cette campagne nous avons activé plusieurs partenaires selon les cibles :

  1. Presse professionnelle – pour toucher les médecins
  2. 20 minutes – pour toucher le grand public
  3. Jeune Afrique – pour toucher les personnes d’origines subsahariennes
  4. Média « gay friendly » – pour toucher la cible HSH
  5. Donc au total 9 partenaires média qui ont / vont créer du contenu sur leur support média (articles brand content / podcasts / interviews vidéo / gazette / page print / capsules vidéo sur les réseaux sociaux…). Des contenus qui sont totalement intégrés à leur ligne éditorial et à ce que leurs internautes ont l’habitude de consommer.
  6. La vidéo « Lettre à moi-même » est intégrée au sein des articles brand content et sur les réseaux sociaux des partenaires média afin d’avoir une visibilité maximale.
  7. Une page print sur l’édition nationale de 20 Minutes a été dédiée à la vidéo avec un lien QR code pour accéder à la vidéo sur QuestionSexualité.fr. 
[Crédits campagne : CEO : Cecile Bitoun / Art Director : Allan Huon / Copywriter : Damien Lebreuilly / Project director : Elodie Roblin / Social media manager : Marine Lefebvre / Planner strategic : Marion Mondoloni]